Dans un contexte climatique qui s’aggrave, les conditions extrêmes comme la canicule, le grand froid ou les vents violents constituent une menace croissante pour les chantiers. En 2025, le SIST BTP Seine et Marne a conduit une enquête sur la gestion des intempéries : elle révèle que 71 % des entreprises ne mettent aucun dispositif en place pour les salariés vulnérables, et seulement 36 % des petites structures disposent d’un protocole « intempéries ». Face à ce constat, l’enjeu est clair : structurer une réponse concrète, pragmatique et réglementaire pour l’ensemble des acteurs du BTP.
Une thématique portée au plus haut niveau : congrès du BTP 2025 à Tours
C’est dans ce contexte que le SIST BTP Seine et Marne a choisi de partager son enquête et ses recommandations lors du Congrès national du BTP 2025, à Tours. Cette intervention, co-animée par un médecin du travail et un conseiller en prévention, visait à ouvrir un dialogue concret avec les professionnels et partenaires de la branche autour de la gestion des risques météorologiques.
Le message porté était clair : les conditions climatiques extrêmes ne sont plus des aléas ponctuels, mais des paramètres permanents à intégrer dans nos pratiques. Cette conférence a mis en lumière le décalage entre les obligations réglementaires, les moyens disponibles sur le terrain, et la réalité vécue par les TPE et PME du secteur.
Pourquoi ce sujet est incontournable ?
Les enjeux humains & opérationnels
Sous des températures extrêmes (jusqu’à 80 °C relevés sur l’enrobé pendant la canicule), les ouvriers subissent une fatigue intense, des risques cardiorespiratoires voire des pertes de connaissance
En été 2023, 11 décès liés à la chaleur, dont la moitié dans le BTP, ont été comptabilisés
Par grand froid, vents violents ou tempêtes, le travail peut devenir dangereux ou techniquement impossible, interrompant la production.
Un nouveau décret sur la canicule
- Depuis le 1er avril 2024, la canicule est officiellement reconnue comme motif déclencheur de chômage technique “intempéries” (pris en charge à 75 % par la CIBTP)
- L’arrêté du 27 mai 2025 formalise les niveaux d’alerte (orange ou rouge) exigés par Météo‑France pour déclencher les mesures de prévention.
- L’article R4534‑143 du Code du travail impose au moins 3 l d’eau potable par ouvrier et par jour, avec un local approprié pour se reposer et se restaurer.
Les mesures déployées sont d’ailleurs révélatrices d’un déséquilibre : les entreprises adoptent plus volontiers des actions organisationnelles (modification d’horaires, arrêts ponctuels de chantier, pauses supplémentaires), que des mesures collectives (abris, ventilation, chauffage) ou individuelles (EPI adaptés, vêtements techniques). Cette hiérarchie des priorités est compréhensible : les mesures organisationnelles sont plus faciles à mettre en place et moins coûteuses. Mais à terme, leur efficacité est limitée si elles ne sont pas complétées par des équipements durables et une vraie culture de la prévention.
S'engager dans une démarche préventive
Face à ce constat, le SIST BTP Seine-et-Marne propose une série d’actions concrètes, réalistes et directement applicables, quelles que soient la taille de l’entreprise ou sa localisation géographique. Ces leviers sont le fruit de retours terrain, de discussions avec les employeurs et de collaborations avec des partenaires spécialisés.
La première action à engager est sans doute la plus stratégique : sensibiliser. Une entreprise ne peut répondre à un risque qu’à partir du moment où elle l’identifie clairement. Sensibiliser, c’est informer les dirigeants, mais aussi les chefs de chantiers et les salariés sur les dangers liés aux conditions météorologiques extrêmes. Cela passe par des sessions sur site, des supports pédagogiques, ou encore des ateliers comme ceux que le SIST anime régulièrement. Cette démarche doit être continue, actualisée chaque année, notamment en amont des périodes critiques (été et hiver).
Vient ensuite la question des aménagements organisationnels. Ils sont souvent la première ligne de défense : adapter les horaires en période de canicule, éviter les tâches physiques pendant les pics de chaleur, ou suspendre une intervention en toiture en cas de vents violents sont autant de décisions qui peuvent éviter des accidents. Ces ajustements nécessitent souplesse et anticipation, mais ils sont efficaces, peu coûteux et rapides à mettre en œuvre.
Les mesures collectives constituent une deuxième couche de protection. Installer des zones d’ombre ou abritées, prévoir des points d’eau, assurer une bonne ventilation dans les bases vie ou les engins sont des gestes concrets qui améliorent considérablement les conditions de travail. De même, en hiver, il est indispensable de prévoir des espaces chauffés, des dispositifs d’assèchement, et des zones de stockage à l’abri pour éviter les risques liés à l’humidité.
À cela s’ajoute la nécessité de proposer des équipements individuels adaptés. Trop souvent, les salariés ne disposent que de protections de base. Pourtant, des innovations existent : gilets rafraîchissants, casquettes coquées, vêtements anti-UV ou vestes chauffantes pour l’hiver. Ces EPI doivent être choisis en fonction des risques réels identifiés sur chaque chantier, et intégrés dans une politique d’achat claire, qui favorise l’efficacité plutôt que le prix.

La structuration réglementaire est un pilier fondamental de cette réponse. En intégrant les risques climatiques dans le DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels), l’entreprise les reconnaît formellement. Cela ouvre la voie à un plan d’action précis, à un suivi des mesures, et à une traçabilité indispensable en cas de contrôle ou d’accident. Par ailleurs, en cas de conditions extrêmes reconnues par Météo France (vigilance orange ou rouge), il est désormais possible de mobiliser le dispositif de chômage intempéries, un levier juridique et financier que trop d’entreprises ignorent encore.
Enfin, la gouvernance interne et le dialogue social jouent un rôle essentiel. Il ne suffit pas de décréter un protocole : il faut le faire vivre, en s’appuyant sur les représentants du personnel, les CSE ou les référents prévention. Le droit d’alerte, les formations à la détection des signes de coup de chaleur ou d’hypothermie, les remontées d’incidents doivent être encouragés, car ce sont eux qui permettront de passer d’une prévention formelle à une prévention active, intégrée, vivante.
Agir pour la prévention des intempéries, c'est maintenant !
Les données collectées par le SIST BTP Seine-et-Marne mettent en lumière une réalité de terrain encore trop peu documentée. Elles rappellent que les risques liés aux intempéries sont devenus une composante permanente de l’activité du BTP, dans un contexte de dérèglement climatique global.
Que l’on soit dirigeant de TPE, chef de chantier, préventeur ou représentant du personnel, chacun a un rôle à jouer. En adoptant une approche structurée, en s’appuyant sur les bons outils et en mobilisant les ressources existantes, il est tout à fait possible de transformer les contraintes météorologiques en leviers d’amélioration des conditions de travail.